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Rubrique Juridique

Le Décret Prohibant De Nombreuses Armes À Feu: Où En Sommes-Nous?Un message de Guy Lavergne. Présenté dans le magazine de sep-oct du CFJ.

Le Décret Prohibant De Nombreuses Armes À Feu : Où En Sommes-Nous?

Le 1er mai 2020, le gouvernement fédéral canadien a soudainement prohibé plus de 1500 modèles d’armes à feu de chasse et de sport, en les affublant de l’appellation « fusils d’assaut de type militaire». Simultanément, le gouvernement a également interdit les armes à feu dont le canon a un diamètre intérieur de 20 mm ou plus, ainsi que les armes à feu qui tirent des projectiles ayant plus de 10 000 joules d’énergie cinétique à la bouche du canon (par exemple, celles de calibre 375 Cheytac, 50 BMG, etc.)

Le Moment Choisi Pour La Prohibition
La prohibition est entrée en vigueur de façon immédiate. Il n’y a pas eu de période tampon ou d’annonce préalable qu’un changement devait entrer en vigueur à cette date.

En fait, il y avait eu de nombreux signes avant-coureurs, mais rien de spécifique. Pendant des années, les libéraux ont eu, dans leur programme électoral, la promesse qu’ils « retireraient les fusils d’assaut des rues ». Eux seuls savaient ce que cela signifiait, puisque les 1500 modèles d’armes à feu en question ne sont pas des fusils d’assaut, et qu’aucun d’entre eux n’était dans la rue.

On était également en droit de s’attendre à ce que toute prohibition soit accompagnée de la reconnaissance des droits acquis, d’autant plus que des dispositions à cet effet avaient été ajoutées à la Loi sur les armes à feu (c.-à-d. le paragraphe 12(9), etc.) par le projet de loi C-71. À cet égard, le Gouvernement a choisi d’ignorer les dispositions législatives que le Parlement avait adoptées (à sa propre initiative) quelques mois auparavant.

La prohibition de ces armes à feu a été annoncée et est entrée en vigueur quelques jours seulement après les meurtres en série commis en Nouvelle-Écosse par Gabriel Wortman, qui a tué 22 personnes
en deux jours. Le moment choisi pour annoncer l’interdiction a vraisemblablement été choisi pour qu’il soit perçu comme la réponse du gouvernement fédéral à cette folie meurtrière. Bien sûr, Wortman avait acquis toutes ses armes à feu illégalement et, pour la plupart, elles avaient été introduites clandestinement au Canada. Le gouvernement fait preuve d’aveuglement volontaire, puisque sa « réponse », si elle avait été mise en œuvre plus tôt, n’aurait empêché aucun des actes de Wortman. Je vous laisse juger s’il s’agit d’un geste destiné à détourner l’attention du public et des médias des carences des agences gouvernementales (Services frontaliers et GRC) qui ont contribué à la tragédie.

Le Modus Vivendi
L’interdiction de ces armes à feu a été mise en œuvre par le biais d’un décret. Un décret est un instrument qui reflète une décision du Cabinet fédéral. Pour être valide, il doit être fondé sur un pouvoir législatif ou sur la common law. En l’espèce, la position du gouvernement est qu’il pouvait le faire en vertu de son pouvoir de prescrire (c.-à-d. réglementer) certaines armes à feu comme étant impropres à l’usage sportif ou à la chasse au Canada.

Le Manque Évident De Préparation

Le décret qui met en œuvre l’interdiction envisage un programme dit de « rachat ». «Confiscation forcée:» ou « expropriation » auraient
été de meilleures appellations, puisque le Gouvernement n’a jamais été propriétaire des armes à feu nouvellement interdites. Quoi qu’il en soit, il est envisagé que les armes à feu interdites devront être remises au gouvernement et qu’une certaine forme de compensation financière sera versée à leurs propriétaires.

Deux ans après le décret, aucune loi relative à ce programme d’expropriation et d’indemnisation n’a été déposée devant le Parlement, et encore moins promulguée. On ne sait toujours pas si la compensation se ferait à la juste valeur marchande ou sur une base différente.

À ma connaissance, les seules mesures concrètes prises jusqu’à présent ont été un appel d’offres pour concevoir/gérer le programme d’indemnisation, ainsi qu’une sollicitation auprès de marchands d’armes à feu pour qu’ils se portent volontaires pour faire la collecte et/ou désactiver les armes à feu interdites. Sans grande surprise, il y a eu très peu ou pas de volontaires pour cette dernière tâche.

Les Contestations Judiciaires
Dans les semaines qui ont suivi la promulgation de l’interdiction, plusieurs parties ont déposé des contestations judiciaires du décret devant la Cour fédérale du Canada.

Les premières parties à déposer une contestation ont été Cassandra Parker et sa société, KKS Tactical Supplies (dossier T-569-20 de la Cour fédérale). Ce dossier est parrainé par la NFA. La NFA elle-même a déposé une requête en autorisation d’intervenir en tant que partie dans cette contestation. La Cour se prononcera sur cette requête et d’autres requêtes similaires présentées par des intervenants potentiels à l’automne 2022.

Au total, cinq (5) contestations de ce type sont actuellement pendantes devant la Cour fédérale, et elles seront toutes entendues simultanément, vers la fin de cette année ou au début de 2023.

La Période D’amnistie
Étant donné que l’interdiction a été promulguée avec effet immédiat et sans droits acquis, le Gouvernement n’a pas eu d’autre choix que de décréter une amnistie générale en faveur des particuliers et des entreprises qui étaient légalement en possession des armes à feu interdites au moment de la promulgation. Cela était également nécessaire parce que le décret, tout en interdisant l’utilisation et le transfert, prévoyait spécifiquement que les propriétaires actuels devaient conserver la possession de leurs armes à feu nouvellement prohibées jusqu’à ce que le programme de « rachat » soit mis en œuvre. Le Gouvernement ne pouvait pas, d’une part, permettre aux propriétaires de conserver leurs armes à feu, et d’autre part, les exposer à des poursuites pénales pour cela.

La période d’amnistie initiale avait une durée de deux (2) ans. À l’automne 2021, il est devenu de plus en plus clair que la période d’amnistie de deux (2) ans ne suffirait pas. En effet, le Gouvernement n’avait pas donné suite à son « plan » de mise en œuvre d’un programme de rachat et il y avait peu ou pas de chance qu’il soit mis en œuvre avant l’expiration de la période d’amnistie de deux ans.
Lors d’une conférence de gestion de l’affaire entre les avocats des plaideurs, le juge en chef adjoint de la Cour fédérale a pris l’initiative de réserver une audience d’injonction temporaire pour le 11 avril 2022, même si aucune partie n’avait encore présenté de requête en ce sens, car il était devenu évident que, sans ordonnance du tribunal suspendant certains aspects du décret, un grand nombre de propriétaires d’armes à feu canadiens risquaient de faire l’objet de poursuites criminelles à l’expiration de la période d’amnistie de deux ans qui était alors en vigueur. Cette audience du 11 avril n’a jamais eu lieu. Au lieu d’obtenir une « gifle juridique » de la Cour fédérale (ce qui semblait presque certain), le gouvernement a choisi de prolonger la période d’amnistie de 18 mois supplémentaires, sous prétexte que les propriétaires d’armes à feu avaient besoin de « plus de temps pour se conformer » à l’interdiction. C’est bien entendu une affirmation fallacieuse, destinée à cacher le manque de préparation du Gouvernement.

Compte tenu du rythme actuel des choses, une nouvelle prolongation de la période d’amnistie est loin d’être impossible.

Et Maintenant, Qu’arrive-T-Il ?
Étant donné que le gouvernement libéral actuel n’a même pas encore déposé de projet de loi pour appuyer un programme de « rachat », il semble probable que la Cour fédérale entendra et décidera probablement de la validité du décret avant l’entrée en vigueur d’une telle loi.

Une décision favorable aux propriétaires d’armes à feu aurait un effet immédiat, mais pourrait être suspendue par la Cour d’appel fédérale.
Le gouvernement pourrait également attendre une décision de justice à dessein, afin de remédier à tout « problème » qui rend le décret invalide, par voie législative. En effet, dans l’éventualité où la Cour fédérale jugerait le décret invalide, le Parlement pourrait alors remédier à l’invalidité sous-jacente par voie législative, à condition que la cause de l’invalidité ne soit pas constitutionnelle.

En d’autres termes, la seule certitude à ce stade est que l’avenir est incertain.

Guy Lavergne, avocat