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Rubrique Juridique

Le Port D’arme Dissimulée Au Canada - Un message de Guy Lavergne. Présenté dans le magazine de Novembre-Décembre du CFJ.

Le Port D’arme Dissimulée Au Canada

Le Canada n’autorise pas le port dissimulé d’une arme à feu, sauf dans des circonstances très limitées. En fait, le Canada n’autorise le port dissimulé d’aucune arme, y compris une arme à feu, mais la restriction est en fait beaucoup plus large. À en juger par ma lecture de divers forums de discussion sur Internet, il semble y avoir une certaine confusion sur ce sujet ; d’où le choix du « port dissimulé » comme sujet de la chronique de ce mois-ci.

 

Que Dit Le Code Criminel?

Je reproduis ci-après la disposition pertinente du Code Criminel: Port d’une arme dissimulée


90 (1) Commet une infraction quiconque porte dissimulés une arme, un dispositif prohibé ou des munitions prohibées sans y être autorisé en vertu de la Loi sur les armes à feu.

Note marginale: Peine

(2) Quiconque commet l’infraction prévue au paragraphe (1) est coupable:

a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans;
b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Quelles Sont Les Exceptions?
Une exception est la détention d’une autorisation de port d’arme délivrée en vertu de la Loi sur les armes à feu, qui permet spécifiquement le port d’une arme à feu dissimulée. Cependant,
ces autorisations sont extrêmement peu nombreuses. Une autre exception concerne les «fonctionnaires publics» (tels les policiers), qui peuvent être exemptés en vertu de l’article 117.07 du Code Criminel.

Qu’est-Ce Qu’une Arme?

L’expression « arme » est définie à l’article 2 du Code Criminel: Arme

Toute chose conçue, utilisée ou qu’une personne entend utiliser pour soit tuer ou blesser quelqu’un, soit le menacer ou l’intimider. Sont notamment visées par la présente définition les armes à feu et, pour l’application des articles 88, 267 et 272, toute chose conçue, utilisée ou qu’une personne entend utiliser pour attacher quelqu’un contre son gré. (weapon)

Il faut noter qu’une arme à feu est toujours considérée comme une « arme », quel que soit le but ou le contexte pour lequel elle est possédée ou portée. Cela est vrai pour toutes les armes à feu, même celles qui ne nécessitent pas de permis, comme les armes à air comprimé à faible vitesse et à faible énergie, qui sont capables de causer des blessures corporelles. Cela signifie également qu’une arme à feu non chargée est également considérée comme une arme, quelle que soit la disponibilité des munitions.

Outre les armes à feu, certains articles, tels que les poings américains, seront également considérés intrinsèquement comme des « armes », essentiellement parce qu’ils n’ont d’autre usage que d’être
utilisés comme armes. Les poings américains sont également un dispositif prohibé. D’autres items, comme les couteaux, ne sont pas automatiquement considérés comme des « armes » parce qu’ils ont d’autres utilités. Veuillez noter cependant que certains couteaux, tels que les couteaux à cran d’arrêt, sont des dispositifs prohibés.

Que Signifie « Porter »?

Le port est à distinguer du « transport », qui implique l’utilisation d’un véhicule. Cependant, le port d’armes comprend à la fois le fait d’avoir une arme sur sa personne et de l’avoir dans un récipient portable, tel qu’un sac à main ou une mallette. Qu’en est-il de l’avoir dans un étui d’arme à feu? Après tout, la loi exige que les armes à feu à autorisation restreinte et certaines armes à feu prohibées soient transportées dans un caisson. Il y a nécessairement des moments, soit au début ou à la fin d’un périple entre la maison et le champ de tir, où le caisson contenant l’arme à feu est porté à l’extérieur du véhicule. Commet-on une infraction pénale, en respectant la réglementation afférente au transport? Heureusement, la réponse est « non » selon la Cour suprême dans R. c. Felawka1:

« Pourraiton dire d’une personne qui respecte le règlement provincial qu’elle viole l’art. 89? Je ne le crois pas. En pratique, l’étui à fusil
est un objet courant qui signale généralement à tous exactement ce qu’il est. Dans un grand nombre de cas, les carabines ou fusils de chasse sont vendus dans un étui. En fait,
on peut difficilement imaginer le propriétaire d’un fusil ne transportant pas son fusil dans un étui s’il veut éviter qu’il rouille et qu’il en vienne à mal fonctionner. Comme l’étui à fusil a la forme d’une arme à feu, on ne peut pas dire qu’il dissimule une arme. On pourrait soutenir que certains étuis destinés au transport de fusils coûteux utilisés pour les compétitions de tir au pigeon d’argile ou de balltrap ressemblent plus à une serviette qu’à un étui à fusil. Sans doute, mais il est possible et nécessaire d’indiquer clairement sur ces étuis qu’ils sont des étuis à fusil. Un fusil rangé dans un étui ou solidement enveloppé dans une toile ne devrait pas être considéré comme caché ou dissimulé. Il ressemble toujours à un fusil et il est transporté d’une manière qui ne viole pas l’art. 89. Ainsi, s’il respecte le règlement provincial, le propriétaire d’un fusil ne viole pas l’art. 89.

Les règlements qui causent le plus de problèmes sont ceux qui contraignent le propriétaire à ranger son fusil dans un coffre ou un compartiment à bagage, soit un endroit qui, de l’extérieur, n’indique pas au public la présence d’un fusil. Le législateur fédéral a récemment pris un règlement sur le transport des armes à feu qui permet à une personne de transporter une arme à feu à bord d’un véhicule non surveillé seulement s’il s’agit d’une arme à feu non chargée et si elle se trouve dans le coffre verrouillé ou si elle n’est pas visible de l’extérieur du véhicule verrouillé: Règlement sur l’entreposage, la mise en montre, la manipulation et le transport de certaines armes à feu, DORS/92459, par. 10(2), 12(2) et (3). (…) Une arme à feu volée peut être utilisée à mauvais escient et constitue donc un danger sérieux pour la société. Le respect de ce règlement (…) ne devrait pas entraîner une déclaration de culpabilité relativement à l’infraction de port d’une arme dissimulée. Au contraire, il devrait être considéré comme une exception à l’interdiction par ailleurs prévue à l’art. 89.”

Qu’est-Ce Qui Constitue Une Dissimulation?

Bien que je ne sois pas au courant que quelqu’un ait été poursuivi, et encore moins condamné, pour avoir utilisé un étui d’arme qui n’est pas facilement identifiable en tant que tel, il pourrait être sage de ne pas porter d’arme à feu dans un étui ou caisson qui ressemble à un autre type de contenant (comme une mallette) ou, si tel est le cas, d’identifier l’étui ou le caisson (d’une manière relativement visible) comme contenant une arme à feu. De toute évidence, il n’est pas conseillé de porter une arme à feu dans un étui destiné à tromper les tiers quant à la nature de son contenu réel, comme par exemple transporter une arme à feu dans un étui en forme d’étui de guitare.

Selon le juge Peter Cory, dans l’affaire Felawka, la mens rea (c.-à-d. l’élément moral de l’infraction) peut être décrit comme suit :

« Afin d’atteindre le but de l’art. 89 et de respecter son objet, il semble alors que l’intention ou l’élément moral requis devrait être l›intention de l’accusé de cacher un objet qu’il sait être une arme. »

Cela semble exclure les situations où l’arme à feu est placée dans un conteneur pour d’autres raisons, par exemple pour des raisons de commodité ou de confort, ou pour
la protéger des éléments. Il est facile d’envisager une situation où une arme à feu est démontée et mise dans un sac à dos, afin de la porter à pied vers un endroit où la chasse est pratiquée.

Cependant, le raisonnement dans l’affaire R. c. Felawka a été fortement critiqué par des juges de plusieurs juridictions, comme conduisant parfois à ce qu’ils considèrent comme des « résultats malheureux ». En d’autres mots, des individus étaient innocentés, bien que leur conduite soit moralement blâmable. Sans qu’elle soit formellement renversée, de nombreuses décisions se sont écartées du schéma d’analyse de Felawka, pour adopter une approche plus large de la mens rea requise. Dans l’affaire R. c. C.D.A.) 2, cette critique a été exprimée comme suit:

« (Traduction) Le port d’une arme dissimulée n’est pas l’infraction la plus grave ou la plus moralement blâmable du Code Criminel. Mais cela ne signifie pas qu’il ne devrait pas s’agir d’une infraction passible de sanctions. Le Parlement a reconnu le danger public lié au port d’armes dissimulées – même avec un état d’esprit peu blâmable – et a choisi de créer une infraction pour éviter ce danger public. L’objectif du Parlement est légitime. Trop souvent, des altercations alimentées par la testostérone qui ne devraient se terminer par rien de plus que des egos et des corps meurtris deviennent mortelles en raison de l’accès facile par l’un des combattants à un couteau caché dans la poche intérieure d’une veste. Le but de la loi est d’éviter ces tragédies insensées en circonscrivant les gestes qui peuvent survenir dans le feu de l’action. De plus, comme il a été mentionné dans l’arrêt R. c. Felawka, le malaise social–et le danger qui en résulte – s’intensifie dans une société paranoïaque où il faut toujours se soucier de savoir si la personne avec qui l’on partage un siège dans le bus porte un objet potentiellement mortel. »

Dans l’affaire R. c. MacLaren3, cette approche plus large a mené à la condamnation d’une femme qui portait une petite matraque pliable dans son sac à main à des fins de légitime défense contre un ex-conjoint violent. Elle a été reconnue coupable, bien qu’elle ait témoigné que la matraque avait été placée dans son sac à main pour des raisons de commodité, plutôt que pour la mettre à l’abri des regards des tiers. Ainsi, une approche plus large de la mens rea est également susceptible de mener à d’autres résultats tout aussi malheureux, comme dans
mon exemple de sac à dos ci-dessus. Cela semble aller à l’encontre du principe du doute raisonnable, qui veut qu’il soit préférable d’innocenter un coupable que de condamner un innocent.

Malheureusement et encore une fois, en matière d’armes à feu, le Canada a à nouveau réussi à criminaliser une conduite qui n’est pas criminelle en soi. 

FOOTNOTES:
1 R. v. Felawka, [1993] 4 R.C.S. 199 2 2007 ABPC 171
3NPC 120 2012

Guy Lavergne, avocat