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Rubrique Juridique

Projet Loi C21:Les Libéraux Interdisent Les Cessions D’armes De Poing-Un message de Guy Lavergne. Présenté dans le magazine de sep-oct du CFJ.

Projet De Loi C-21: Les Libéraux Interdisent Les Cessions D’armes De Poing

Le 30 mai 2022, à la suite d’une tragique fusillade de masse à Uvalde, au Texas, le gouvernement fédéral a déposé le projet de loi C-21 ainsi que des amendements aux  Règlements sur les armes à feu à la Chambre des communes. Coïncidemment, ce projet de loi porte la même désignation que le dernier projet de loi libéral sur le contrôle des armes à feu qui est mort au feuilleton en 2021, lorsque le premier ministre a décidé de déclencher des élections anticipées.

Cependant, il est nettement différent de son prédécesseur. Une discussion adéquate de tous les aspects de ce projet de loi serait trop longue pour la longueur maximale autorisée de cette chronique. Par conséquent, je me concentrerai sur les aspects principaux et les plus frappants du projet de loi et des nouveaux règlements, soit une interdiction presque complète des cessions d’armes de poing.

Date D’entrée En Vigueur De L’interdiction 

Premièrement, contrairement au décret du 1er mai 2020 qui prohibe certaines armes à feu avec effet immédiat, le projet de loi C-21 n’a pas d’effet immédiat. Pour entrer en vigueur, il doit être sanctionné par les deux chambres du Parlement: la Chambre des communes et le Sénat. Cela prendra un certain temps, puisque le Parlement entrera en vacances d’été et ne reprendra qu’en septembre.

Au moment où j’écris cet article pendant la longue fin de semaine de la fête du Canada, le projet de loi a franchi l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes et a été renvoyé au Comité de la sécurité publique. Il est impossible de prédire quand il sera examiné par le Comité, si des amendements seront proposés ou quand il sera renvoyé à la Chambre des communes pour troisième lecture et adoption. Compte tenu du récent pacte entre les libéraux et les néo-démocrates et de la position anti-armes à feu traditionnelle du Bloc, on peut supposer que le projet de loi sera adopté dans sa forme actuelle avant la fin de la présente session parlementaire.

Parallèlement au projet de loi, le gouvernement a déposé de nouvelles propositions de règlements qui visent à restreindre les conditions auxquelles une arme de poing peut être cédée, avant même que le projet de loi ne soit adopté. En vertu de la Loi sur les armes à feu, ces règlements entreraient en vigueur trente (30) jours de séance après leur dépôt à la Chambre des communes. Il y a d’autres considérations, mais par souci de simplicité, on peut supposer que ce projet de règlement entrera en vigueur en octobre 2022. Cette réglementation est unique en ce sens qu’elle restreint les cessions d’armes de poing, sous le couvert de conditions prescrites selon lesquelles de telles cessions peuvent avoir lieu. Cela revient en quelque sorte à mettre en œuvre une loi qui n’a pas encore été adoptée. Une contestation judiciaire du projet de règlement peut survenir. Ce sujet seul suffirait pour une chronique entière, et même davantage. Pour l’instant, revenons au projet de loi C-21.

La Portée De L’interdiction
Premièrement, la restriction proposée sur les cessions ne s’applique qu’aux particuliers, et non aux entreprises. En effet, le projet de loi ajoute l’article suivant à la Loi sur les armes à feu:
12.2 Le certificat d’enregistrement pour une arme de poing ne peut être délivré à un particulier.

Étant donné qu’un certificat d’enregistrement est une exigence pour acquérir et posséder une arme de poing, cet article interdira effectivement la cession d’une arme de poing à un individu, nonobstant le fait que le cessionnaire proposé est dûment titulaire d’un permis. Deuxièmement, elle ne s’applique qu’aux armes de poing , et non à d’autres types d’armes à feu à autorisation restreinte. La définition d’une arme de poing se trouve à l’article 84 du Code criminel:
arme de poing: Arme à feu destinée, de par sa construction ou ses modifications, à permettre de viser et tirer à l’aide d’une seule main, qu’elle ait été ou non modifiée subséquemment de façon à requérir l’usage des deux mains.

Troisièmement, il y a des exceptions. En effet, le nouvel article 97.1 de la LAF prévoit des exceptions très étroites à l’interdiction des cessions:
97.1 Les articles 12.2 et 19.1 ne s’appliquent pas au particulier qui, selon le cas:

a) est le titulaire d’une autorisation de port à l’égard d’une arme de poing;

b) satisfait aux critères réglementaires et fournit au contrôleur des armes à feu une lettre d’un organisme national ou provincial de réglementation
des sports de tir précisant que le particulier s’entraîne, compétitionne ou est entraîneur dans une discipline de tir à l’arme de poing qui fait partie du programme du Comité international olympique ou du Comité international paralympique, que l’arme de poing lui est nécessaire pour ce faire et la discipline en question.

Étant donné que les autorisations de port ne sont délivrées qu’à l’égard de professions légales, telles que les trappeurs, certains agents de sécurité et prospecteurs travaillant là où de grands prédateurs peuvent être rencontrés, et exceptionnellement (c.-à-d. presque jamais) pour la protection personnelle, l’alinéa a) a une application très limitée. De même, l’alinéa b) ne s’applique qu’aux disciplines de tir au pistolet qui font partie du programme olympique. Par conséquent, le projet de loi ne reconnaît pas les disciplines de tir telles que le tir de précision, l’IPSC, l’IPDA, le PPC, le Three Gun et le CAS comme des disciplines de tir légitimes, aux fins des cessions d’armes de poing.

Enfin, les cessions interdites sont celles qui transfèrent la propriété, telle une vente, un troc (échange) ou un don. Un Don comprend un legs en vertu d’un testament.
Ainsi, à moins que vous ne tombiez dans l’une des deux exceptions très étroites dont il a été question précédemment, toute arme de poing que vous possédez au moment de l’entrée en vigueur du projet de loi C-21 vous appartiendra jusqu’à ce qu’elle soit légalement exportée, remise à la police, confisquée en vertu de la loi, cédée à une entreprise d’armes à feu (y compris à un musée) ou jusqu’à ce que (après votre décès), votre exécuteur testamentaire doive choisir entre l’une des options susmentionnées.

De même, à moins que vous ne vous qualifiiez pour l’une des exceptions mentionnées précédemment, vous ne pourrez jamais légalement acquérir une nouvelle arme de poing.

Comme c’était le cas avec les prohibitions antérieures, le nombre de personnes possédant légalement des armes de poing diminuera avec le temps et sera un jour proche de zéro, car les détenteurs actuels abandonneront le sport ou mourront.

Si le projet de loi est adopté et n’est pas invalidé par la suite, il pourrait avoir une incidence sur les dispositions testamentaires existantes lorsqu’une personne a légué une arme de poing à un tiers, qu’il s’agisse d’un membre de sa famille ou d’un ami, et qu’elle décède après l’entrée en vigueur des dispositions du projet de loi. Ceci, à son tour, créera des problèmes importants pour les liquidateurs de succession. Je ne serais pas surpris que la police devienne très proactive en faisant pression sur les liquidateurs de succession pour qu’ils remettent à la police les armes à feu qui font partie d’une succession.

Il n’y a pas de confiscation immédiate des armes de poing envisagée expressément dans le projet de loi. Je ne serais pas surpris qu’une telle initiative soit envisagée dans le cadre d’un mandat ultérieur.

Considérations Pratiques
L’effet immédiat du dépôt du projet de loi C-21 à la Chambre des communes a été une augmentation immédiate et significative du nombre de transactions d’armes de poing. Les détenteurs de permis ont saisi ce qui pourrait être leur dernière occasion d’acquérir soit leur première arme de poing ou une certaine arme de poing, ou de se débarrasser d’armes de poing qu’ils n’utilisent plus, ou dont ils ne veulent pas risquer de voir la valeur anéantie. Cela s’est traduit par un nombre démesuré d’appels au Programme canadien d’armes à feu par des personnes qui souhaitent initier une cession d’arme de poing. Il convient de noter que la mise en œuvre récente du système de numéros de référence en ce qui concerne les transferts d’armes à feu sans restriction a probablement également contribué à l’augmentation du trafic d’appels, sans augmentation proportionnelle de ressources.

L’article 12.7 de la Loi sur les armes à feu envisage la cession d’une arme de poing mentionnée au paragraphe 12 (6.1) fabriquée avant 1946 à un proche parent du propriétaire actuel. Le projet de loi C-21 n’abroge pas explicitement le paragraphe 12(7) de la Loi sur les armes à feu, malgré le fait que le nouvel article 12.2 interdise la délivrance d’un certificat d’enregistrement au cessionnaire proposé. Il s’agit d’une question qui devra potentiellement être résolue par un tribunal.

L’interdiction de transférer des armes de poing à un individu ou entre individus constitue potentiellement une atteinte à la compétence provinciale en matière de propriété et de droits civils dans la province. Une éventuelle contestation constitutionnelle à cet égard est une possibilité réelle.

Enfin, même si le narratif officiel est que le projet de loi C-21 prétend régler un problème de sécurité publique, les seules personnes qui ne sont pas touchées par le projet de loi sont celles qui trafiquent, fabriquent ou se procurent des armes de poing sur ou pour le marché noir, ce qui comprend l’écrasante majorité de ceux qui commettent des soi-disant crimes commis avec une arme à feu . Par conséquent, le projet de loi C-21 ne touche que ceux qui possèdent ou souhaitent posséder des armes de poing légalement. Il n’affecte pas les criminels qui continueront d’opérer en dehors du cadre légal et malgré celui-ci.

Quelqu’un pourrait vouloir tenter d’expliquer aux députés libéraux que la criminalité armée n’est pas un problème d’arme à feu, mais un problème de criminalité. Ce serait probablement peine perdue. Ils le savent déjà et s’en fichent. En effet, la seule justification du projet de loi C-21 est qu’il est perçu par les stratèges libéraux comme susceptible d’obtenir l’appui du public, compte tenu de la survenance récente de nombreuses fusillades en milieu urbain, entre membres de gangs. Le soutien du public se traduit par des votes, ce qui est tout ce qui intéresse la plupart des politiciens. Encore une fois, les propriétaires d’armes à feu qui agissent dans la légalité deviennent les boucs émissaires des politiciens libéraux.

J’espère que lorsque ces opportunistes seront chassés du pouvoir, un autre gouvernement abrogera le projet de loi C-21. Cela nécessitera à la fois une majorité de vote au Parlement et une certaine dose de courage politique, car je soupçonne que les médias grand public ne soutiendront guère une telle initiative. 

Guy Lavergne, avocat